Catégorie : Mort/Vie
Shozukai (Kiyoshi Kurosawa, 2012)
Ce n’est pas pour ses propres fautes qu’on paie, mais pour celles d’un autre.
Le Grand Soir (film de Kervern et Delépine, 2012)
Un jour vide, désespéré, point d’aboutissement d’un monde et d’un cinéma sans contenu ni transmission.
Corps et âme (Ildiko Enyedi, 2017)
Il faut choisir librement ce qui, déjà, en secret, habite nos rêves.
Melancholia (Lars von Trier, 2011)
il y a dans ce film quelque chose de nazi : l’entrée en scène d’un monde absolument dépourvu d’avenir
La Bête dans la Jungle (Patric Chiha, 2023)
Une singulière catastrophe amoureuse, incompréhensible, exceptionnelle et terrifiante, fait advenir une autre alliance, immaîtrisable et inconnue, entre la mort et la vie.
L’étrange affaire Angelica (Manoel de Oliveira, 2010)
L’ange vivant de la mort appelle le photographe, il lui donne accès à un monde sans deuil, ni devoir, ni dette.
Leave no trace (Debra Granik, 2018)
La fille a le droit de se libérer d’une exigence inconditionnelle, absolue, à laquelle le père ne peut pas se soustraire.
Belle Épine (Rebecca Zlotowski, 2010)
Se faire orpheline, exposée au danger, pour que s’invente une autre alliance.
L’étreinte du serpent (Ciro Guerra, 2015)
Les traces des civilisations disparues appellent un deuil inarrêtable, une hantise infinie, qu’aucun savoir ne peut effacer.
Oncle Boonmee (Apichatpong Weerasethakul, 2010)
Il s’est souvenu d’autres vies et d’autres mondes qu’il a portés; un autre vivant surviendra, peut-être, pour les porter à nouveau.
Asako I et II (Ryūsuke Hamaguchi, 2018)
Quand l’amour se décide, la trace se retire, elle s’efface – il faut plonger dans l’incertitude.
Inception (Christopher Nolan, 2010)
Il faut, pour surmonter sa culpabilité, faire l’expérience de l’impossible.
I wish I Knew, histoires de Shanghaï (Jia Zhang-Ke, 2010)
Une ville comme Shanghaï n’a pas une histoire, mais des histoires divergentes dont aucune ne conduit au présent d’aujourd’hui.
Paul Sanchez est revenu! (Patricia Mazuy, 2018)
On ne peut ni s’approprier une signature, ni usurper un nom innocemment.
Un Secret (Claude Miller, 2007)
Un frère mort, disparu, peut gouverner une vie et aussi induire une pensée spectrale, supplémentaire : la déconstruction.
Sleep well (Jean-Luc Nancy, 2018)
« Je suis mort », souverainement mort, bien que vous puissiez encore voir mon corps, entendre ma parole et ma voix.
Survival of Kindness (Rolf de Heer, 2023)
Dans un monde sans salut possible, sans rédemption, sans promesse, sans avenir, il n’y a pas d’extériorité, on ne peut que revenir dans sa cage.
Climax (Gaspar Noé, 2018)
La version hip hop du lien communautaire (Geschlecht), son empoisonnement, sa corruption et sa dislocation.
I’m not there » (Todd Haynes, 2007)
Complaisamment j’exhibe toutes les facettes de mon image, afin de protéger mon secret.
La vengeance d’une femme (Jacques Doillon, 1989)
L’homme d’aujourd’hui, ce fantôme, ne sert d’appui que si sa présence s’évanouit.
Trois visages (Jafar Panahi, 2018)
Tout commence par un appel, « Je suis morte » : pour que le visage qui précède introduise à celui qui, déjà passé, reste à venir.
Être sans destin (Lajos Koltai, 2006)
Pour ceux qui ont vécu la Shoah, la vie s’est arrêtée : il ne reste plus que des survivants.
Ready Player One (Steven Spielberg, 2018)
Un film ne peut se présenter comme réel, virtuel, fantastique ou autre que parce qu’il est indiciel, indicatif
They Shot the Piano Player (Fernando Trueba, 2023)
N’étant ni mort ni vivant, le disparu ne s’efface jamais; nul ne peut limiter sa présence, ni empêcher qu’elle se renouvelle.
Le lion est mort ce soir (Nobuhiro Suwa, 2018)
Au cinéma, il est impossible d’interpréter sa propre mort, mais on peut toujours la jouer.
Les étendues imaginaires (Yeo Siew Hua, 2018)
Un monde clos dont les bords ne s’étendent qu’au prix d’une étrange et incontrôlable transformation.
La Chute (Oliver Hirschbiegel, 2004)
Avec le nazisme, il n’y a plus ni père ni fils, ni mère ni enfants, mais une seule chair qui ne peut que vivre et disparaître en même temps.
Pont des Arts (Eugène Green, 2004)
Par sa voix, la chanteuse baroque réunit la vie, la mort, et l’au-delà de la vie, au-delà de l’être, plus que la vie.
Hérédité (Ari Aster, 2018)
Il aura fallu, pour que le fils prenne la place de l’antéchrist, carboniser le père, décapiter les femmes, réduire le logos en cendres.
La Ciénaga (Lucrecia Martel, 2001)
Une désagrégation où, dans son opposition chimérique à l’animal, l’humain se déconstruit, jusqu’à la mort d’un enfant
La captive (Chantal Akerman, 2000)
Dans une vacuité absolue, il cherche en elle un secret inavouable – mais il n’y en a pas.
Memento (Christopher Nolan, 2000)
« Pour te venger, effacer tes dettes, il faut que tu t’en souviennes, même si, dans la pure présence, tu ne peux te souvenir que de rien ».
Sans signe particulier (Fernanda Valadez, 2019)
Quand le mal radical répond, c’est dans la langue intraduisible d’un sacrifice terrible, inaudible, impardonnable
Marriage Story (Noah Baumbach, 2019)
Les pleurs du père déchu en deuil de sa culture, sa sophistication, son théâtre, son épouse, son fils et aussi de lui-même, en tant qu’homme, sans rien connaître de ce qu’il adviendra
Parasite (Bong Joon-Ho, 2019)
Il n’y a pas de limite au parasitage, pas de ligne protectrice qui ne puisse être franchie.
The Lighthouse (Robert Eggers, 2019)
Une force excessive, inquiétante, souveraine, s’impose sans considération ni pour la vie, ni pour la mort, ni pour la crédibilité du récit.
The Souvenir Part I et II (Joanna Hogg, 2019-2021)
Pour accéder aux souvenirs, il faut pousser toujours plus loin le mouvement de la mimesis, multiplier les dédoublements.
Généalogies d’un crime (Raul Ruiz, 1996)
Monstrueuse la tragédie d’un fils naturel dont on attend qu’il assassine une mère déjà morte, un père déjà suicidé, au prix de sa vie.
Camille (Boris Lojkine, 2019)
« Il faut mourir vivant »dit la photo-reporter, en laissant à d’autres les traces de son parcours, et un film.
Les Misérables (Ladj Ly, 2019)
Le souverain de banlieue, ce jeune (lionceau) incontrôlable, introduit l’imprévisible, l’incalculable, dans le lieu clos de la cité.
Sur la route de Madison (Clint Eastwood, 1995)
S’arrêter sur le pont qui mène au fantasme, au rêve, en passant par la photographie.
Lola Montes (Max Ophuls, 1955)
« Ce que Lola veut, Lola l’obtient »; un siècle plus tard, elle aura suscité son film porté par un célèbre réalisateur, aussi excessif et démesuré qu’elle-même.
Papicha (Mounia Meddour, 2019)
Pour résister aux pulsions de mort, de cruauté, il faut la pure gratuité de l’ornement féminin.
Vanya on 42nd Street (Louis Malle, 1994)
Ni fiction, ni documentaire, ni théâtre, ni cinéma, ni genre déterminé – un cinéma aporétique contaminé par la mort.
Le dernier Nabab (Elia Kazan, 1976)
Dernier roman, dernier film, dernier producteur, dernière scène, et tout reste dans l’inachèvement.
« La belle Noiseuse » (Jacques Rivette, 1991)
Un film qui démontre l’impossibilité de l’art, et creuse son tombeau.
Uncut gems (Benny and Josh Safdie, 2019)
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
Let them all talk (Steven Soderbergh, 2021) (La grande traversée)
Entre l’œuvre, la vie, la mort, il faut que la frontière reste indécise, indéterminée, infranchissable.
Le syndrome asthénique (Kira Mouratova, 1990)
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Un soupçon d’amour (Paul Vecchiali, 2020)
Il faut, pour faire son deuil, spectraliser le mort, car porter un cadavre en soi, avec soi, est mortifère ».
Possessor (Brandon Cronenberg, 2020)
Qui parasite l’autre prend le risque d’être parasité par l’autre.
L’Arbre mort (Joseph Morder, 1987)
Pour faire un couple comme pour faire un film, il faut multiplier les deuils, porter les endeuillés.
Pauvres Créatures (Yórgos Lánthimos, 2023)
Pour s’emparer des possessions des hommes, dans son absolue souveraineté, la femme laisse libre cours à ses pulsions, y compris épistémiques
Le Genou d’Ahed (Nadal Lapid, 2021)
Quand le consentement meurtrier, banalisé, ne dérange plus personne, la responsabilité devient un danger mortel.
Tenet (Christopher Nolan, 2020)
Là où ça décide, dans l’avenir, bénédiction et malédiction se confondent.
Past Lives (Celine Song, 2023)
Il faut, pour vivre, faire son deuil de l’amour d’avant l’amour, l’archi-amour.
Le diable n’existe pas (Mohammad Rasoulof, 2020)
Refuser la peine de mort exige un engagement inconditionnel démesuré, illimité, incompatible avec quelque transaction que ce soit.
Mémoires d’un Juif tropical (Joseph Morder, 1984)
Il aura fallu dire « Je suis mort » pour que commence la vie en plus, la vie supplémentée par l’œuvre, plus que la vie.
Amira (Mohamed Diab, 2021)
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
My dinner with André (Louis Malle, 1981)
Principe d’hospitalité : « Je voudrais apprendre à vivre, enfin ».
Tres (Juanjo Giménez-Peña, 2022)
Pour que du nouveau émerge, il faut une désynchronisation, un décalage, qui relance la dialectique entre l’Autrefois et le Maintenant.
Que le spectacle commence! (Bob Fosse, 1980)
On ne peut pas se préparer à la mort, tout ce qu’on peut faire, c’est en exiger toujours plus, plus encore que la vie.
Stardust Memories (Woody Allen, 1980)
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
La mort en direct (Bertrand Tavernier, 1980)
L’œil-caméra comme système d’aveuglement, qui ne fonctionne que pour mettre à mort ce qu’il filme.
Stalker (Andreï Tarkovski, 1979)
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Les Colons (Felipe Gálvez-Haberle, 2023)
Pour légitimer la nation chilienne, il aura fallu qu’un métis témoigne de l’extermination des Indiens, avant qu’il ne soit effacé lui aussi.
Le capitaine Volkonogov s’est échappé (Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, 2021)
Pour se sauver, il faut affronter l’impardonnable.
Vortex (Gaspar Noé, 2022)
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Level Five (Chris Marker, 1996)
On ne peut espérer communiquer avec un mort qu’à travers un dispositif de mémoire, un artefact, mais c’est impossible, ça ne marche pas, le récit reste inachevé.
La Chambre verte (François Truffaut, 1978)
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
La femme au portrait (Fritz Lang, 1944)
Pour prouver la théorie freudienne qu’il enseigne, le professeur fait un rêve qui parodie cette théorie, en même temps qu’il parodie le film noir.
The Card Counter (Paul Schrader, 2021)
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
Trois femmes (Robert Altman, 1977)
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
Trás-os-Montes (Antonio Reis et Margarida Cordeiro, 1976)
« Il faut que je te porte », dit la terre, et tu répéteras le cycle.
Alma Viva (Cristèle Alves Meira, 2022)
« Il faut que je te porte », pour que tu m’ouvres les yeux.
Le locataire (Roman Polanski, 2003)
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
L’empire des sens (Nagisha Oshima, 1976)
Pour un homme, faire jouir une femme est un plaisir sans limite; on peut tout donner pour cela, y compris son sexe, sa vie
Laura (Otto Preminger, 1944)
Il aura fallu qu’elle soit réduite à la fixité d’un portrait, prise pour morte, pour qu’elle rencontre enfin l’homme pur, intègre : le policier.
Ashkal, l’enquête de Tunis (Youssef Chebbi, 2022)
Je dois m’immoler par le feu, j’y suis poussé, incité sans but, sans raison, justification ni condition.
Mariken van Nieumeghen (Jos Stelling, 1974)
Plus la transgression est excessive, et plus elle reconduit le cycle de la dette.
Tout le monde aime Jeanne (Céline Devaux, 2022)
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Amarcord (Federico Fellini, 1974)
Où une fiction circulaire scelle l’alliance autobiographique du cinéma avec un « je ».
Soleil vert (Richard Fleischer, 1973)
Là où des cadavres se nourrissent de cadavres, ça ne fait plus monde, c’est sans monde.
Revoir Paris (Alice Winocour, 2022)
Mourir une deuxième fois, vivante, pour une autre alliance, plus porteuse d’avenir.
Belle (André Delvaux, 1973)
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Il Buco (Michelangelo Frammartino, 2022)
On peut pallier, par l’œuvre, la perte d’un regard unique, irremplaçable.
Solaris (Andreï Tarkovski, 1972)
Une allégorie de la traduction du monde en film ou du film en monde.
Un Avenir Radieux (Nanni Moretti, 2023)
Perdre un monde suppose de renoncer aussi à une part de soi , un quasi-suicide qui conditionne la possibilité de continuer à vivre.
Blonde (Andrew Dominik, 2022)
S’appuyer sur le mythe le plus courant pour inventer un autre référent, tout aussi mythique.
Wanda (Barbara Loden, 1970)
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
L’arrangement (Elia Kazan, 1969)
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
X (Ti West, 2022)
Il aura fallu passer par l’expérience du porno, l’épreuve de l’horreur, pour enfin vivre autre chose que la vie courante : vivre plus que la vie
Un soir, un train (André Delvaux, 1968)
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.
Pacifiction – Tourment sur les îles (Albert Serra, 2022)
Un pouvoir/impouvoir transactionnel, dérisoire, exposé à la dangerosité imprévisible de pouvoirs souverains.
Fermer les yeux (Victor Erice, 2023)
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Saint-Omer (Alice Diop, 2022)
À une exigence de fidélité venue d’ailleurs, des ascendants ou d’Afrique, on ne peut répondre que par un sacrifice, ou à défaut en pleurant.