Catégorie : Mort/Vie
Marriage Story (Noah Baumbach, 2019)
Les pleurs du père déchu en deuil de sa culture, sa sophistication, son théâtre, son épouse, son fils et aussi de lui-même, en tant qu’homme, sans rien connaître de ce qu’il adviendra
Parasite (Bong Joon-Ho, 2019)
Il n’y a pas de limite au parasitage, pas de ligne protectrice qui ne puisse être franchie.
The Lighthouse (Robert Eggers, 2019)
Une force excessive, inquiétante, souveraine, s’impose sans considération ni pour la vie, ni pour la mort, ni pour la crédibilité du récit.
The Souvenir Part I et II (Joanna Hogg, 2019-2021)
Pour accéder aux souvenirs, il faut pousser toujours plus loin le mouvement de la mimesis, multiplier les dédoublements.
Généalogies d’un crime (Raul Ruiz, 1996)
Monstrueuse la tragédie d’un fils naturel dont on attend qu’il assassine une mère déjà morte, un père déjà suicidé, au prix de sa vie.
Camille (Boris Lojkine, 2019)
« Il faut mourir vivant »dit la photo-reporter, en laissant à d’autres les traces de son parcours, et un film.
Les Misérables (Ladj Ly, 2019)
Le souverain de banlieue, ce jeune (lionceau) incontrôlable, introduit l’imprévisible, l’incalculable, dans le lieu clos de la cité.
Sur la route de Madison (Clint Eastwood, 1995)
S’arrêter sur le pont qui mène au fantasme, au rêve, en passant par la photographie.
Lola Montes (Max Ophuls, 1955)
« Ce que Lola veut, Lola l’obtient »; un siècle plus tard, elle aura suscité son film porté par un célèbre réalisateur, aussi excessif et démesuré qu’elle-même.
Papicha (Mounia Meddour, 2019)
Pour résister aux pulsions de mort, de cruauté, il faut la pure gratuité de l’ornement féminin.
Vanya on 42nd Street (Louis Malle, 1994)
Ni fiction, ni documentaire, ni théâtre, ni cinéma, ni genre déterminé – un cinéma aporétique contaminé par la mort.
Le dernier Nabab (Elia Kazan, 1976)
Dernier roman, dernier film, dernier producteur, dernière scène, et tout reste dans l’inachèvement.
« La belle Noiseuse » (Jacques Rivette, 1991)
Un film qui démontre l’impossibilité de l’art, et creuse son tombeau.
Uncut gems (Benny and Josh Safdie, 2019)
L’argent-voyou, qui semble exonéré et exonérer de toute dette, appelle la chance et porte la malédiction.
Let them all talk (Steven Soderbergh, 2021) (La grande traversée)
Entre l’œuvre, la vie, la mort, il faut que la frontière reste indécise, indéterminée, infranchissable.
Le syndrome asthénique (Kira Mouratova, 1990)
S’ensommeiller, se retirer du monde, renoncer à l’archive, affirmer son unicité pour finalement, enfin, mourir vivant.
Un soupçon d’amour (Paul Vecchiali, 2020)
Il faut, pour faire son deuil, spectraliser le mort, car porter un cadavre en soi, avec soi, est mortifère ».
Possessor (Brandon Cronenberg, 2020)
Qui parasite l’autre prend le risque d’être parasité par l’autre.
L’Arbre mort (Joseph Morder, 1987)
Pour faire un couple comme pour faire un film, il faut multiplier les deuils, porter les endeuillés.
Pauvres Créatures (Yórgos Lánthimos, 2023)
Pour s’emparer des possessions des hommes, dans son absolue souveraineté, la femme laisse libre cours à ses pulsions, y compris épistémiques
Le Genou d’Ahed (Nadal Lapid, 2021)
Quand le consentement meurtrier, banalisé, ne dérange plus personne, la responsabilité devient un danger mortel.
Tenet (Christopher Nolan, 2020)
Là où ça décide, dans l’avenir, bénédiction et malédiction se confondent.
Past Lives (Celine Song, 2023)
Il faut, pour vivre, faire son deuil de l’amour d’avant l’amour, l’archi-amour.
Le diable n’existe pas (Mohammad Rasoulof, 2020)
Refuser la peine de mort exige un engagement inconditionnel démesuré, illimité, incompatible avec quelque transaction que ce soit.
Mémoires d’un Juif tropical (Joseph Morder, 1984)
Il aura fallu dire « Je suis mort » pour que commence la vie en plus, la vie supplémentée par l’œuvre, plus que la vie.
Amira (Mohamed Diab, 2021)
Il suffit d’une goutte de sperme pour que s’efface la fiction d’une appartenance pure, indéniable.
My dinner with André (Louis Malle, 1981)
Principe d’hospitalité : « Je voudrais apprendre à vivre, enfin ».
Tres (Juanjo Giménez-Peña, 2022)
Pour que du nouveau émerge, il faut une désynchronisation, un décalage, qui relance la dialectique entre l’Autrefois et le Maintenant.
Que le spectacle commence! (Bob Fosse, 1980)
On ne peut pas se préparer à la mort, tout ce qu’on peut faire, c’est en exiger toujours plus, plus encore que la vie.
Stardust Memories (Woody Allen, 1980)
Est star celui qui peut mourir sans mourir, faire du cinéma sans faire du cinéma, signer un film en le déconstruisant.
La mort en direct (Bertrand Tavernier, 1980)
L’œil-caméra comme système d’aveuglement, qui ne fonctionne que pour mettre à mort ce qu’il filme.
Stalker (Andreï Tarkovski, 1979)
« Viens! » dit le lieu sans vérité, sans contenu, qui en appelle aux croyances, aux mouvements, sans les déterminer (Khôra).
Les Colons (Felipe Gálvez-Haberle, 2023)
Pour légitimer la nation chilienne, il aura fallu qu’un métis témoigne de l’extermination des Indiens, avant qu’il ne soit effacé lui aussi.
Le capitaine Volkonogov s’est échappé (Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, 2021)
Pour se sauver, il faut affronter l’impardonnable.
Vortex (Gaspar Noé, 2022)
Mourir déjà mort (ou presque), sans laisser de trace, altère la possibilité du deuil.
Level Five (Chris Marker, 1996)
On ne peut espérer communiquer avec un mort qu’à travers un dispositif de mémoire, un artefact, mais c’est impossible, ça ne marche pas, le récit reste inachevé.
La Chambre verte (François Truffaut, 1978)
Perpétuer le deuil comme tel, en jouir, c’est le nier : en s’appropriant les morts, on exerce sur eux pouvoir et souveraineté.
La femme au portrait (Fritz Lang, 1944)
Pour prouver la théorie freudienne qu’il enseigne, le professeur fait un rêve qui parodie cette théorie, en même temps qu’il parodie le film noir.
The Card Counter (Paul Schrader, 2021)
Pour un crime sans borne ni mesure, il n’y a pas d’expiation ni de compensation possible.
Trois femmes (Robert Altman, 1977)
En laissant à la femme silencieuse son lieu, son pouvoir, on peut se dégager des rôles, des stéréotypes sexuels et sociaux.
Trás-os-Montes (Antonio Reis et Margarida Cordeiro, 1976)
« Il faut que je te porte », dit la terre, et tu répéteras le cycle.
Alma Viva (Cristèle Alves Meira, 2022)
« Il faut que je te porte », pour que tu m’ouvres les yeux.
Le locataire (Roman Polanski, 2003)
Le défaut absolu d’hospitalité conduit à la folie, au suicide.
L’empire des sens (Nagisha Oshima, 1976)
Pour un homme, faire jouir une femme est un plaisir sans limite; on peut tout donner pour cela, y compris son sexe, sa vie
Laura (Otto Preminger, 1944)
Il aura fallu qu’elle soit réduite à la fixité d’un portrait, prise pour morte, pour qu’elle rencontre enfin l’homme pur, intègre : le policier.
Ashkal, l’enquête de Tunis (Youssef Chebbi, 2022)
Je dois m’immoler par le feu, j’y suis poussé, incité sans but, sans raison, justification ni condition.
Mariken van Nieumeghen (Jos Stelling, 1974)
Plus la transgression est excessive, et plus elle reconduit le cycle de la dette.
Tout le monde aime Jeanne (Céline Devaux, 2022)
Il vaut mieux, pour se dégager du deuil, choisir le pas de côté qui éloigne du réel.
Amarcord (Federico Fellini, 1974)
Où une fiction circulaire scelle l’alliance autobiographique du cinéma avec un « je ».
Soleil vert (Richard Fleischer, 1973)
Là où des cadavres se nourrissent de cadavres, ça ne fait plus monde, c’est sans monde.
Revoir Paris (Alice Winocour, 2022)
Mourir une deuxième fois, vivante, pour une autre alliance, plus porteuse d’avenir.
Belle (André Delvaux, 1973)
Je dois, pour sur-vivre, me dépouiller de tout ce qui m’appartenait : identité, culture, personnalité, profession, croyances, etc.
Il Buco (Michelangelo Frammartino, 2022)
On peut pallier, par l’œuvre, la perte d’un regard unique, irremplaçable.
Solaris (Andreï Tarkovski, 1972)
Une allégorie de la traduction du monde en film ou du film en monde.
Un Avenir Radieux (Nanni Moretti, 2023)
Perdre un monde suppose de renoncer aussi à une part de soi , un quasi-suicide qui conditionne la possibilité de continuer à vivre.
Blonde (Andrew Dominik, 2022)
S’appuyer sur le mythe le plus courant pour inventer un autre référent, tout aussi mythique.
Wanda (Barbara Loden, 1970)
Déliée de toute dette, elle reste paralysée au bord de l’inconditionnel.
L’arrangement (Elia Kazan, 1969)
Je renonce à suivre les commandements de la société, du père, pour devenir ce que je respecte vraiment : un nom unique, irremplaçable, et rien d’autre.
X (Ti West, 2022)
Il aura fallu passer par l’expérience du porno, l’épreuve de l’horreur, pour enfin vivre autre chose que la vie courante : vivre plus que la vie
Un soir, un train (André Delvaux, 1968)
« Je suis mort » ne peut se dire que dans une langue toute autre, intraduisible.
Pacifiction – Tourment sur les îles (Albert Serra, 2022)
Un pouvoir/impouvoir transactionnel, dérisoire, exposé à la dangerosité imprévisible de pouvoirs souverains.
Fermer les yeux (Victor Erice, 2023)
Plutôt que d’interpréter un rôle dans un film, il aura préféré jouer ce rôle dans la vie en se retirant d’un monde dans lequel il ne pouvait que mourir.
Saint-Omer (Alice Diop, 2022)
À une exigence de fidélité venue d’ailleurs, des ascendants ou d’Afrique, on ne peut répondre que par un sacrifice, ou à défaut en pleurant.
Masculin Féminin (Jean-Luc Godard, 1966)
Il faut, pour donner au film un poids de pensée, de réel, mettre en scène la non-réponse de l’autre.
Persona (Ingmar Bergman, 1966)
Ce film qui se termine par « rien » déclare, au-delà de tous les simulacres, rôles ou jeux sociaux, la valeur incommensurable de ce « rien ».
Fahrenheit 451 (François Truffaut, 1966)
Il faut, pour sauver les livres, sacrifier et sa mort et sa vie, mourir pour que vive l’à-venir des livres
The Banshees of Inisherin (Martin McDonagh, 2022)
Faire payer à l’autre l’écart entre survie et sur-vie.
Pierrot le Fou (Jean-Luc Godard, 1965)
Un collage de phrases mortes qui ne promet rien, n’engage à rien, mais appelle l’adhésion.
L’homme au crâne rasé (André Delvaux, 1965)
Dans le secret de la crypte, l’amour inconditionnel conduit à l’auto-sacrifice, au retrait, au salut.
La Jetée (Chris Marker 1963)
L’instant pour moi le plus décisif, celui dont je désire le retour avec le plus d’intensité, c’est celui de « ma mort », dont je me souviens sans l’avoir vécue.
Huit et demi (Federico Fellini, 1963)
La paralyse – ce temps de fermentation ou de bouillonnement qui est aussi la khôra du réalisateur.
Leonor will never die (Martika Ramirez Escobar, 2022)
Une grand-mère pour toujours sur le point de mourir, sans jamais franchir le pas.
Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda, 1962)
Il aura fallu, pour commencer à vivre, un avertissement supplémentaire : tu te dois à la mort.
Le Mirage de la vie (Douglas Sirk, 1959)
Il faut soit sacrifier les mères pour laisser vivre les filles, soit sacrifier les filles pour que les mères puissent vivre selon leur désir.
Compulsion (Richard Fleischer, 1959)
La pure souveraineté du mal radical, sans justification ni explication, face à la pure souveraineté du rejet de la peine de mort.
Ecrit sur du vent (Douglas Sirk, 1956)
Comment écrire ce qui ne peut se dire ni en paroles, ni en images, mais seulement sur du vent, dans l’évanescence d’un film.
Portraits Fantômes (Kleber Mendonça-Filho, 2023)
Quand l’ancrage territorial et temporel du cinéma risque de s’effacer, il faut attacher sa ceinture et continuer.
Voyage en Italie (Roberto Rossellini, 1954)
Pas d’union d’un couple, d’amour, de famille, sans se confronter aux traditions et à la mort.
Le désert rouge (Michelangelo Antonioni, 1964)
Dans les marges périphériques où le monde se perd, il n’y a personne pour me porter.
L’Avventura (Michelangelo Antonioni, 1960)
Une aventure vécue en bordure parergonale du monde, dans le manque creusé par une disparition.
Murmure dans la ville (Joseph Mankiewicz, 1951)
Une pure amitié qui ne repose sur aucune justification, sur aucun intérêt commun.
Aucun ours (Jafar Panahi, 2022)
En jouant son propre effacement, le réalisateur revendique et assume sa responsabilité.
Pandora (Albert Lewin, 1951)
Aporie de l’amour inconditionnel : en exigeant le sacrifice de tout autre intérêt, il se soumet à une condition irréalisable, mortifère.
La Dolce Vita (Federico Fellini, 1960)
Dans un monde qui se déconstruit, il est tentant de se ruer sur les plaisirs, au risque d’aggraver le mal.
La Notte (Michelangelo Antonioni, 1961)
La nostalgie d’une extériorité impossible, dont il faut faire son deuil.
Un Tramway nommé Désir (Elia Kazan, 1951)
Un monde s’en est allé, il n’en reste rien d’autre que cette femme, la folle, l’exclue, qui ébranle à jamais « notre » monde.
Esterno Notte (Marco Bellocchio, 2022)
À l’acmé de la violence, du calcul politique qui voue Aldo Moro au sacrifice, se pose la question de l’au-delà du pouvoir, du politique.
Le Bleu du caftan (Maryam Touzani, 2022)
Nettoyer, dans un pur linceul, la crainte et la culpabilité.
L’aventure de Madame Muir (Joseph L. Mankiewicz, 1947)
Et le spectre déclara à Madame Muir : “Il faut que je te porte”.
Goutte d’or (Clément Cogitore, 2023)
En portant l’enfant mort, le voyant fait le deuil de ce que lui-même a été.
Little Girl Blue (Mona Achache, 2023)
Une auto-hétéro-bio-thanato-graphie féminine où chaque femme semble jouer le rôle d’une autre, jusqu’à l’épuisement.
Adam (Maryam Touzani, 2019)
Le regard d’une petite fille sur une hospitalité qui oblige, dans un monde où le nouveau-né doit être abandonné.
Viridiana (film de Luis Buñuel, 1961)
Pour faire la charité, il faudrait déjà être chez soi, et pour offrir l’hospitalité, il faudrait déjà accepter la loi de l’autre.
Marx peut attendre (Marco Bellocchio, 2021)
Le suicide est un événement avec lequel on (l’autre) ne peut jamais faire la paix.
El Conde (Pablo Larrain, 2023)
Le spectre de Pinochet, qui incarne l’éternel retour du mal, continue à nous vampiriser.
Il Caso Valdemar (Gianni Hoepli & Ubaldo Magnaghi, 1936)
Le « mourir » de Valdemar, suspendu pendant sept mois, est encadré par deux énonciations impossibles : « Je suis mort »